Les Centres de Prise en charge des Violences Sexuelles, aux côtés des victimes

Enfermées dans le silence et éprouvant, bien souvent, un sentiment de culpabilité, les victimes de violences sexuelles ne parviennent pas toujours à accéder à une prise en charge adéquate. Il a pourtant été démontré qu’il est primordial de leur assurer un accompagnement rapide et de qualité, si l’on veut garantir leur bien-être mental et physique. Le gouvernement fédéral belge ayant pris la mesure de la problématique, il a décidé d’initier un projet pilote visant à développer des Centres de Prise en charge des Violences Sexuelles (CPVS) rattachés à des hôpitaux. Quelles sont leurs missions et comment fonctionnent-ils ? Le Dr Christine Gilles, médecin responsable du CPVS du Centre hospitalier universitaire Saint-Pierre et Virginie Baÿ, infirmière chef de services et chargée du projet CPVS au Centre hospitalier universitaire de Liège, en dévoilent les coulisses.

Des crimes en hausse

Selon la Banque de données nationale générale (BNG), au cours de la période 2014-2017, une moyenne de 809,33 viols et attentats à la pudeur ont été signalés par an, avec 1.131 viols et attentats à la pudeur dénombrés en 2019[1], et ce, rien qu’en Région bruxelloise. Derrière ces chiffres se cachent des visages et des histoires souvent dramatiques.

Au sein du foyer familial, au travail, à l’école ou encore lors de soirées festives, ces crimes peuvent survenir n’importe où, n’importe quand. Il y a peu, la presse a révélé des faits graves de viols et d’agressions sexuelles qu’auraient subi plusieurs femmes dans deux bars situés dans le quartier du Cimetière d’Ixelles, à Bruxelles. Depuis la révélation de ces affaires, les langues se délient et les témoignages coulent à flots, notamment sur les réseaux sociaux. Sarah Schlitz, secrétaire d’État à l’Egalité des genres et des chances, a d’ailleurs révélé qu’une augmentation du nombre de victimes avait été constatée au cours des dernières semaines. D’autres personnalités du monde politique se sont également emparées du sujet et entendent mener des initiatives pour lutter contre les agressions sexuelles. Mais lorsque le mal est fait, quel accompagnement proposer aux victimes ? Les CPVS semblent être la solution la plus aboutie, car ils parviennent à allier les divers services indispensables à leur prise en charge. 

Un accompagnement sur mesure, de A à Z

Actuellement, nous comptons trois Centres de Prise en charge des Violences Sexuelles en Belgique. L’un est situé à l’UZ Gent, l’autre au CHU de Liège et le dernier au CHU Saint-Pierre. Tous placés de manière stratégique, ils sont étudiés de manière à être facilement accessibles à la population. D’ailleurs, en installer un au CHU Saint-Pierre a visiblement sonné comme une évidence pour le groupe d’experts chargé d’évaluer la nécessité de créer de telles structures en Belgique.  « Avant même la création des CPVS, le CHU Saint-Pierre recevait beaucoup de victimes de violences sexuelles. Il a donc semblé logique d’y commencer entre autres le projet pilote. » relate le Dr Christine Gilles qui coordonne le CPVS du CHU Saint-Pierre.

Les agressions sexuelles laissent des traces indélébiles aux victimes. Les conséquences physiques, sexuelles, reproductives, psychiques, comportementales et même socio-économiques qui en résultent impactent leur vie et leur quotidien. C’est pour cela, qu’il est essentiel de leur assurer une prise en charge précoce. Selon les recommandations officielles, une victime de violences sexuelles doit pouvoir bénéficier d’une attention médicale complète dans les 72 heures suivant les faits. Les trois CPVS du pays permettent non seulement de répondre à ce besoin, mais offrent également la possibilité aux victimes d’accéder à une prise en charge globale comprenant un support psychologique, une enquête médico-légale, le dépôt d’une plainte ainsi qu’un suivi dans le temps. « Le but des CPVS est d’offrir une prise en charge holistique aux victimes, avec tout ce dont elles ont besoin rassemblé en un seul lieu. De plus, chez nous, ce n’est pas la victime qui fait les démarches, mais le personnel qui y travaille qui va l’encadrer et qui va coordonner les différentes offres qui lui sont nécessaires. », détaille Virginie Baÿ. De plus, les CPVS accueillent tout type de victime, que ce soient des enfants, des femmes ou des hommes. « Nous prenons en charge tout le monde, qu’importe qu’il ou elle soit mineur.e ou majeur.e. Les enfants de moins de 16 ans représentent d’ailleurs 25% de notre patientèle. Nous adaptons notre modèle de prise en charge à la victime et n’accompagnons pas de la même manière un enfant et un adolescent par exemple. Nous avons un fil rouge de prise en charge, mais nous avons la capacité de nous adapter à la personne à qui nous nous adressons. », indique Virginie Baÿ.

Inaugurés en novembre 2017, les CPVS parviennent ainsi à se calquer aux problématiques rencontrées par chacune des victimes et tentent de répondre de la manière la plus adéquate possible aux besoins qu’elles expriment. « Tout d’abord, nous laissons à la victime le temps de se poser sans la stresser. Nous la plaçons dans un cocon qui va lui permettre d’être rassurée et de se sentir en sécurité. Par la suite nous lançons les procédures et les examens requis. La force de notre modèle réside dans le fait que la victime est placée au centre et que ce n’est donc pas à elle à aller vers les institutions, mais bien le contraire. », souligne Virginie Baÿ. « Les victimes sont assez contentes du cocon qui est créé autour d’elles, mais aussi du fait que nous prenions vraiment le temps de réaliser les démarches nécessaires tout en allant à leur propre rythme. », ajoute le Dr Gilles.

Inscrits dans un projet pilote, les CPVS ont tous été développés selon un même modèle. Ainsi, nous retrouvons au sein de chacun d’entre eux les mêmes profils de professionnels. Ils sont tous spécialement formés à leurs missions et dévoués à 100% aux personnes qui se présentent au sein des centres, comme l’explique Virginie Baÿ. « Les CPVS disposent tous d’infirmières présentes 24h/24 et 7j/7 et des psychologues. Cependant, nous pouvons également faire appel à d’autres intervenants médicaux qui selon le cas, nous épaulent. Nous pouvons donc appeler à tout moment les médecins spécialistes nécessaires y compris des médecins urgentistes si la victime nécessite des soins urgents par exemple. C’est l’avantage de travailler au sein d’un milieu hospitalier. » À côté de cela, les infirmiers et les psychologues s’entourent de partenaires externes utiles à l’enquête judiciaire que sont, les zones de police et les Parquets des Régions où les centres sont implémentés.

Bien que la mécanique au sein de ces centres soit bien huilée, Virginie Baÿ rappelle que les victimes n’ont aucune obligation et qu’elles peuvent, si elles le souhaitent, fractionner leur prise en charge dans le temps. « Si la victime ne souhaite pas déposer plainte, mais que l’idée est de ne pas perdre d’éventuelles preuves ADN, à ce moment-là, l’infirmière réalisera des prélèvements corporels à titre conservatoire, ce qui signifie que la victime peut décider de déposer plainte ultérieurement tout en s’assurant d’avoir gardé des preuves. Les prélèvements à titre conservatoire peuvent être conservés durant une période de six mois. Pendant cette période, nous allons rappeler la victime à différents moments pour prendre de ses nouvelles, répondre à ses éventuelles questions, lui rappeler ses rendez-vous, mais également, dans le cas où elle n’aurait pas déposé plainte, lui dire qu’elle a toujours la possibilité de le faire. » Si une victime décide de déposer plainte à postériori, l’équipe du centre se charge alors de rappeler la police en vue d’organiser une nouvelle audition.

Un avenir assuré

Après quatre ans de service, il est désormais avéré que les CPVS facilitent incontestablement la prise en charge et le parcours que doivent entreprendre les victimes de violences sexuelles. Dans un rapport[2] rédigé en 2019 par l’Université de Gand, faisant office de première évaluation du projet, la Ministre fédérale de l’Égalité des chances, Nathalie Muylle, n’a pas manqué d’exprimer sa grande satisfaction à l’égard de celui-ci. « Les CPVS ont atteint leur objectif […]. En deux ans, ils ont aidé plus de 2.000 victimes. Ces dernières apprécient beaucoup le soutien que leur apportent les CPVS, et notamment le fait de pouvoir se rendre à un seul et unique endroit pour y recevoir tous les soins et l’accompagnement dont elles ont besoin. En outre, pas moins de 68% des victimes ont introduit une plainte auprès de la police. Ce chiffre est très élevé. Des recherches ont montré qu’en dehors des CPVS, seuls 10% des victimes déposent plainte. » Les acteurs de terrain sont, eux aussi, intimement convaincus du bienfondé de la création de ce type de centres, comme en témoigne le Dr Gilles « Malheureusement lorsque cela arrive dans un épisode de vie, je pense que les CPVS offrent la meilleure prise en charge possible pour guérir ou du moins diminuer l’intensité de ce qui a été vécu, et ce grâce à l’écoute et au soutien apportés par l’ensemble des équipes aux victimes, mais également via la prise en charge médicale et médico-légale qualitative qui y est assurée. Avec les CPVS, le secteur est enfin en mesure de pouvoir répondre à la hauteur de l’événement traumatique vécu par les victimes ».

Au vu de leur importance et de leur utilité avérées, les CPVS vont manifestement s’installer dans le temps sur notre territoire, avec de nouveaux centres qui vont prochainement faire leur apparition ailleurs en Belgique. Tandis que les villes de Louvain et d’Anvers s’apprêtent à ouvrir les leurs, quatre autres, dont un qui sera situé au Centre hospitalier régional Sambre et Meuse, verront le jour d’ici 2024. Charleroi, quant à elle, vient tout juste d’ouvrir le sien. « Il y a une réelle nécessité d’ouverture de nouveaux CPVS mais aussi d’agrandissement des CPVS existants, car nous ne parvenons pas à absorber toute la demande, qui ne fait que s’accroître. » affirme le Dr Gilles. Dans l’attente de l’ouverture de nouveaux établissements, le CPVS de Bruxelles coordonné par le CHU Saint-Pierre a justement annoncé, il y a quelques jours, avoir pu trouver une solution d’agrandissement (prévu au printemps 2022) en vue d’augmenter la capacité d’accueil de son espace et ainsi répondre au besoin, malheureusement, toujours plus grandissant de la population locale. En quête d’amélioration permanente, les différents CPVS sont en contact régulier, notamment pour l’échange de bonnes pratiques. Désormais, ils apportent également leur soutien et leur expertise aux équipes des établissements qui s’apprêtent à ouvrir. « Étant donné que nos trois centres ont fait office de projets pilotes, nous avons quelque part essuyé les plâtres et nous sommes aujourd’hui bien rodés. Nous participons donc à l’écolage des nouveaux centres, via des visites et des échanges. », conclut Virginie Baÿ.

[1] SudInfo - La Capitale. À Bruxelles, on compte une moyenne de trois violences sexuelles par jour. 19/08/2021. https://lacapitale.sudinfo.be/821103/article/2021-08-19/bruxelles-compte-une-moyenne-de-trois-violences-sexuelles-par-jour

[2] Première évaluation des Centres de Prise en charge des Violences Sexuelles. 2019. Institut pour l’égalité des femmes et des hommes. https://igvm-iefh.belgium.be/sites/default/files/131_-_premiere_evaluation_des_centres_de_prise_en_charge_des_violences_sexuelles.pdf

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